La doctrine " millénariste " d’Irénée (I)

Les textes en petits caractères sont extraits de Adversus Haereses (Contre les hérésies) d' Irénée de Lyon

Les presbytres 

Pour illustrer le charisme d'exposition des Écritures dont il crédite les presbytres, Irénée rapporte longuement (Adv. Haer., IV, 27-31= Irénée, Contre les Hérésies, pp. 495-514) – tout en y mêlant des considérations personnelles – les exégèses de l'un d'entre eux, qu'il ne nomme pas, mais dont il précise (IV, 27, 1 = Id., Ibid., p. 495) qu' " il tenait [la dite exégèse] des apôtres, qu'il avait vus, et de leurs disciples ". Et de conclure :

Ibid., IV, 32, 1 (= Id., Ibid., pp. 512-513) : " C'est de cette manière que le presbytre (senior), disciple des Apôtres, discourait sur les deux Testaments, montrant qu'ils proviennent d'un seul et même Dieu […] Si quelqu'un croit au seul Dieu qui a fait toutes choses par son Verbe […] tout d'abord celui-là sera " attaché à la tête… " (cf. Ep 4, 16, et cf. Col 2, 19) ; ensuite toute parole des Écritures aura pour lui une signification pleinement assurée, pourvu qu'il lise ces Écritures d'une manière attentive auprès de ceux qui, dans l'Église, sont presbytres, puisque c'est auprès d'eux que se trouve la doctrine des Apôtres (si et Scripturas diligenter legerit apud eos qui in Ecclesia sunt presbyteri, apud quos est Apostolica doctrina), comme nous l'avons montré. "

On aura remarqué que ce qui est en cause, ici, c’est l’interprétation des Écritures, qui n’est orthodoxe que lorsque ces dernières sont lues " auprès des presbytres ", considérés par Irénée comme les dépositaires de " la doctrine des Apôtres ". Il est donc clair qu’en se référant à la tradition des presbytres, Irénée entend démontrer l’origine apostolique des conceptions d’un royaume millénaire du Christ, dont il se fait le théoricien et le champion.

Il n’empêche : il doit défendre ces presbytres contre les critiques dont ils sont l’objet, du fait, entre autres, de leur peu d’instruction, à en juger par l’apologie qu’Irénée est contraint de faire, de ces pieux transmetteurs de la tradition apostolique. Il en profite d’ailleurs pour classer leurs opposants parmi ceux qui se séparent de l’Église :

Ibid., V, 20, 2 (= Id., Ibid, p. 628) : " Ceux donc qui délaissent le message de l'Église font grief aux presbytres de leur simplicité, ne voyant pas qu'un homme du commun, mais religieux, l'emporte sur un sophiste blasphémateur et impudent. "

Il est alors à cent lieues d’imaginer que, moins de deux siècles plus tard, la conception, qu’il considère comme apostolique, d’un royaume terrestre du Christ, apparaîtra tellement irrecevable aux yeux de l’évêque et historiographe de l’Église, Eusèbe de Césarée, que ce dernier l’englobera dans sa condamnation du millénarisme, non sans faire retomber la responsabilité de ce qu’il considère comme une incongruité doctrinale, sur le presbytre Papias (IIe s.) :

Hist. Eccl., III, 39, 11-13 (Eusèbe, SC 31, p. 154) : " Le même Papias ajoute d'autres choses qui seraient parvenues jusqu'à lui par une tradition orale, certaines paraboles étranges du Sauveur et certains enseignements bizarres, et d'autres choses tout à fait fabuleuses. Par exemple, il dit qu'il y a aura mille ans après la résurrection des morts et que le règne du Christ aura lieu corporellement sur la terre […] Il a été cause qu'un très grand nombre d'écrivains ecclésiastiques après lui ont adopté les mêmes opinions que lui, confiants dans son antiquité : c'est là ce qui s'est produit pour Irénée et pour d'autres qui ont pensé la même chose que lui. "

En tout état de cause, pour Irénée, c’est la seule vraie doctrine, et ceux qui, tout en se prétendant des chrétiens fidèles à la tradition de l’Église, n’y accordent pas foi, sont assimilés par lui aux " hérétiques " :

Adv. Haer., V, 31, 1 ; 32, 1 (= Irénée, Contre les Hérésies, pp. 660, 662) : " Mais certains qui passent pour croire avec rectitude, négligent l’ordre suivant lequel devront progresser les justes et méconnaissent le rythme selon lequel ils s’exerceront à l’incorruptibilité. Ils ont ainsi en eux des pensées hérétiques [...] Ainsi donc, certains se laissent induire en erreur par les discours hérétiques, au point de méconnaître les ‘économies’ de Dieu et le mystère de la résurrection des justes et du royaume qui sera le prélude de l’incorruptibilité…

Même propos, moins négatif toutefois, chez Justin (Justin, Dialogue, 80) :

" Pour moi et les chrétiens d’orthodoxie intégrale, tant qu’ils sont, nous savons qu’une résurrection de la chair adviendra, pendant mille ans, dans Jérusalem rebâtie et agrandie ". , tout en reconnaissant que " beaucoup… même chrétiens de doctrine pure, ne le reconnaissent pas ".

La doctrine eschatologique d’Irénée

On trouvera, ci-après, sous forme de citations, accompagnées ou non d'un commentaire, une brève anthologie de la doctrine eschatologique d’Irénée.

Adv. Haer., V, 30, 4 (= Id., Ibid., p. 659) : " Le Seigneur viendra du haut du ciel, sur les nuées, dans la gloire de son Père, et il enverra dans l’étang de feu l’Antichrist avec ses fidèles ; il inaugurera en même temps pour les justes les temps du royaume, c’est-à-dire le repos du septième jour, qui fut sanctifié, et il donnera à Abraham l’héritage promis ; : c’est là le royaume en lequel, selon la parole du Seigneur, "beaucoup viendront du levant et du couchant pour prendre place à table avec Abraham, Isaac et Jacob.". "

Id., Ibid., V, 32, 1 (= Id., Ibid., p. 662) : " Aussi est-il nécessaire de déclarer à ce sujet que les justes doivent d’abord, dans ce monde rénové, après être ressuscités à la suite de l’Apparition du Seigneur, recevoir l’héritage promis par Dieu aux pères et y régner [ C’était, semble-t-il, la conception de Jésus, comme en témoigne sa réponse à la question de ses apôtres : " Étant donc réunis, ils l'interrogeaient ainsi : Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas manifester (ou : ‘rendre’) le royaume à Israël? Il leur répondit : Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité. " (Ac 1, 6) ]; ensuite seulement aura lieu le jugement de tous les hommes.. Il est juste, en effet, que, dans ce monde même où ils ont peiné et où ils ont été éprouvés de toutes les manières par la patience, ils recueillent le fruit de cette patience ; que, dans le monde où ils ont été mis à mort à cause de leur amour pour Dieu, ils retrouvent la vie ; que, dans le monde où ils ont enduré la servitude, ils règnent […] Il convient donc que le monde lui-même, restauré en son état premier, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes. "

Id., Ibid., V, 33, 1 (= Id., Ibid., p. 665) : " Sans aucun doute, c’est dans l’héritage de la terre qu’il le boira, de cette terre que lui-même renouvellera et rétablira en son état premier pour le service de la gloire des enfants de Dieu, selon ce que dit David : "Il renouvellera la face de la terre". En promettant d’y boire du fruit de la vigne avec ses disciples, il a fait connaître deux choses : l’héritage de la terre, en lequel sera bu le fruit nouveau de la vigne avec ses disciples, et la résurrection corporelle de ses disciples.. Car la chair qui ressuscitera dans une condition nouvelle est aussi celle qui aura part à la coupe nouvelle.. Ce n’est pas, en effet, alors qu’il serait dans un lieu supérieur et supra-céleste avec ses disciples, que le Seigneur peut être conçu comme buvant du fruit de la vigne, et ce ne sont pas davantage des êtres dépourvus de chair qui pourraient en boire, car la boisson tirée de la vigne a trait à la chair, non à l’esprit. ." 

Bien qu’il n’y fasse pas allusion, il se peut qu’Irénée ait été influencé par un passage de l’évangile de Luc, dont la littéralité scandaleuse embarrasse tellement les commentateurs, que la quasi totalité d’entre eux l’interprètent au sens spirituel : " Vous mangerez et boirez à ma table, dans mon Royaume… " (Lc 22, 30). Rappelons qu’après sa résurrection, Jésus a mangé et bu avec ses disciples (Lc 24, 41-43 ; Ac 10, 41, etc.).

Id., Ibid., V, 33, 2 (= Id., Ibid., pp. 665-666) : " Il dit encore: "Quiconque aura quitté champs ou maisons, ou parents, ou frères, ou enfants, à cause de moi, recevra le centuple en ce monde et héritera de la vie éternelle dans le monde à venir". Quel est donc en effet le centuple que l’on recevra en ce monde, et quels sont les dîners et les soupers qui auront été donnés aux pauvres et qui seront rendus? Ce sont ceux qui auront lieu au temps du royaume, c’est-à-dire en ce septième jour qui a été sanctifié et en lequel Dieu s’est reposé de toutes les œuvres qu’il avait faites : vrai sabbat des justes, en lequel ceux-ci, sans plus avoir à faire aucun travail pénible, auront devant eux une table préparée par Dieu et regorgeant de tous les mets. ." 

Conception analogue dans le rabbinisme :

" Les Maîtres disaient: … à l’avenir … les hommes diront, lorsque quelqu’un trouvera les choses prêtes et toutes préparées : "un tel a trouvé un pain cuit et des mets préparés" ".

Id., Ibid., V, 34, 1 (= Id., Ibid., p. 669) : " Ezéchiel dit de même : "Voici que je vais ouvrir vos tombeaux, et je vous introduirai dans la terre d’Israël. Et vous saurez que je suis le Seigneur, quand j’ouvrirai vos tombeaux, quand je vous ferai sortir des tombeaux, mon peuple. Je mettrai mon Esprit en vous, et vous vivrez, et je vous établirai sur votre terre, et vous saurez que je suis le Seigneur". Le même Prophète dit encore : "Voici ce que dit le Seigneur : Je rassemblerai Israël d’entre toutes les nations parmi lesquelles ils ont été dispersés, et je me sanctifierai en eux aux yeux des peuples des nations, et ils habiteront sur leur terre, que j’ai donnée à mon serviteur Jacob.. Ils y habiteront en sécurité, ils bâtiront des maisons et planteront des vignes, ils habiteront en sécurité, quand j’exercerai un jugement sur tous ceux qui les auront méprisés." " 

Id., Ibid., V, 34, 4 (= Id., Ibid., pp. 671-672) : " Isaïe dit encore au sujet de Jérusalem : "Voici ce que dit le Seigneur : Heureux celui qui a une postérité dans Sion et une parenté dans Jérusalem! Voici qu’un roi juste régnera, et les princes gouverneront avec droiture." Et à propos des préparatifs de sa reconstruction, il dit : "Voici que je te prépare pour pierres de l’escarboucle et pour fondements du saphir ; je ferai tes créneaux de jaspe, tes portes de cristal et ton enceinte de pierres précieuses ; tous tes fils seront enseignés par le Seigneur, tes enfants seront dans une grande paix, et tu seras édifiée dans la justice." " 

Id., Ibid., V, 35, 2 (= Id., Ibid., p. 674) : " Ces événements ne sauraient se situer dans les lieux supra-célestes, "car Dieu, vient de dire le prophète, montrera ta splendeur à toute la terre qui est sous le ciel", mais ils se produiront au temps du royaume, lorsque la terre aura été renouvelée par le Christ et que Jérusalem aura été rebâtie sur le modèle de la Jérusalem d’en haut. ."

Id., Ibid., V, 34, 4 ; 35, 1 (= Id., Ibid., pp. 672-673) : " Le même prophète dit encore : "Voici que je crée Jérusalem pour l’allégresse, et mon peuple pour la joie. Je serai dans l’allégresse au sujet de Jérusalem, et dans la joie au sujet de mon peuple.. On n’y entendra plus désormais le bruit des lamentations ni le bruit des clameurs ; il n’y aura plus là d’homme frappé d’une mort prématurée, ni de vieillard qui n’accomplisse pas son temps : car le jeune homme aura cent ans, et le pécheur qui mourra aura cent ans et sera maudit. Ils bâtiront des maisons et eux-mêmes les habiteront […] Car les jours de mon peuple seront comme les jours de l’arbre de vie, : ils useront les ouvrages de leurs mains." […] Si certains essayent d’entendre de telles prophéties dans un sens allégorique, ils ne parviendront même pas à tomber d’accord entre eux sur tous les points. D’ailleurs, ils seront convaincus d’erreur par les textes eux-mêmes, qui disent : "Lorsque les villes des nations seront dépeuplées, faute d’habitants, ainsi que les maisons, faute d’hommes, et lorsque la terre sera laissée déserte…" […] Il dit encore : "Que l’impie soit enlevé, pour ne point voir la gloire du Seigneur ! ". "Et après" que "cela" aura eu lieu, "Dieu, dit-il, éloignera les hommes, et ceux qui auront été laissés se multiplieront sur la terre." "Ils bâtiront des maisons et eux-mêmes les habiteront" […] Toutes les prophéties de ce genre se rapportent sans conteste à la résurrection des justes […] alors les justes régneront sur la terre […] Et tous ceux que le Seigneur trouvera en leur chair, l’attendant des cieux après avoir enduré la tribulation et avoir échappé aux mains de l’Impie, ce sont ceux dont le prophète a dit : "Et ceux qui auront été laissés se multiplieront sur la terre." Ces derniers sont aussi tous ceux d’entre les païens que Dieu préparera d’avance pour que, après avoir été laissés, ils se multiplient sur la terre, soient gouvernés par les saints et servent à Jérusalem. ." 

On trouve, chez Justin, un passage très similaire à celui-ci :

" Car voici comment Isaïe parle de cette période de mille années. [Justin cite alors intégralement Is 65, 17-25, avant de poursuivre]… Or, dis-je, nous avons compris que l’expression de ce passage : "Car, comme les jours de l’arbre seront les jours de mon peuple, ils feront vieillir les œuvres de leurs peines", révèle les mille années en mystère. Il fut dit, en effet, à Adam que "le jour même où il mangerait du fruit de l’arbre, il mourrait", nous savons qu’il n’a pas atteint mille ans (Gn 2, 17). Nous comprenons également que cette parole : "Le jour du Seigneur est comme mille ans" (Ps 89, 4) se rapporte à ce passage. D’ailleurs, chez nous, un homme du nom de Jean, l’un des apôtres du Christ, a prophétisé, dans la révélation [le texte porte : ‘l’apocalypse’] qui lui fut faite, que ceux qui auront cru à notre Christ passeront mille ans à Jérusalem ; après quoi arrivera la résurrection générale, et en un mot éternelle, pour tous sans exception, puis le jugement. "

Tels sont, en substance, les propos d’Irénée concernant les " temps messianiques ", appelés par lui " temps du Royaume ". Voyons maintenant ce qu’il dit du " monde à venir ". Notons qu’il distingue nettement les deux perspectives. Ce qu’il décrit ensuite – en citant principalement les chapitres 20 et 21 de l’Apocalypse – est expressément placé par lui " après les temps du royaume ". Et la Jérusalem qui descend du ciel n’est pas confondue avec celle qui a été rebâtie précédemment, lors de l’instauration, sur terre, du Royaume messianique :

Id., Ibid., V, 35, 2 (= Id., Ibid., p. 675) : " C’est de cette Jérusalem-là que sera l’image la Jérusalem de la première terre, où les justes s’exerceront à l’incorruptibilité et se prépareront au salut ;, comme c’est aussi de ce tabernacle-là que Moïse a reçu le modèle sur la montagne. " 

Id., Ibid., V, 35, 2 (= Id., Ibid., p. 676) : " Et de même qu’il ressuscitera réellement… c’est réellement aussi qu’il s’exercera à l’incorruptibilité, qu’il croîtra et qu’il parviendra à la plénitude de sa vigueur, aux temps du royaume, jusqu’à devenir capable de saisir la gloire du Père. Puis, quand toutes choses auront été renouvelées, c’est réellement qu’il habitera la cité de Dieu. " 

Id., Ibid., V, 36, 1 (= Id., Ibid., p. 676) : " Car ni la substance ni la matière de la création ne seront anéanties… mais "la figure de ce monde passera", c’est-à-dire les choses dans lesquelles la transgression a eu lieu : car l’homme a vieilli en elles. " 

– Et pour mieux faire partager aux lecteurs de son ouvrage sa connaissance de ce mystère, Irénée ajoute  :

Id., Ibid., V, 36, 1 (= Id., Ibid., p. 676) : " Mais lorsque cette "figure" aura passé, que l’homme aura été renouvelé, qu’il sera mûr pour l’incorruptibilité au point de ne plus pouvoir vieillir, "ce sera alors le ciel nouveau et la terre nouvelle", en lesquels l’homme nouveau demeurera, conversant avec Dieu d’une manière toujours nouvelle. " 

Id., Ibid., V, 36, 1 (= Id., Ibid., p. 677) : " Et comme le disent les presbytres, c’est alors que "ceux qui auront été jugés dignes" du séjour du ciel y pénétreront, tandis que d’autres jouiront des délices du Paradis, et que d’autres encore posséderont la splendeur de la cité ; mais partout Dieu sera vu, dans la mesure où ceux qui le verront en seront dignes. ."

– Et de poursuivre sur le même thème  :

Id., Ibid., V, 36, 2 (= Id., Ibid., p. 677) " Telle sera la différence d’habitation entre ceux qui auront produit "cent pour un, soixante pour un, trente pour un" : les premiers seront enlevés aux cieux, les seconds "séjourneront dans le paradis", les troisièmes habiteront "la cité", c’est la raison pour laquelle le Seigneur a dit qu’ "il y a de nombreuses demeures chez son Père" […] C’est là la "salle du festin" en laquelle prendront place et se régaleront "les invités aux noces". ." 

Id., Ibid., V, 36, 2 (= Id., Ibid.) : " Tels sont, aux dires des presbytres, disciples des apôtres, l’ordre et le rythme que suivront ceux qui sont sauvés, ainsi que les degrés par lesquels ils progresseront : par l’Esprit ils monteront au Fils, puis, par le Fils, ils monteront au Père, lorsque le Fils cédera son œuvre au Père, selon ce qui a été dit par l’Apôtre : "Il faut qu’il règne, jusqu’à ce que Dieu ait mis tous ses ennemis sous ses pieds : le dernier ennemi qui sera anéanti, c’est la mort.". "

La consommation du mystère de Dieu

Parvenu au terme de son œuvre, Irénée exprime, avec une rare densité d’expression, la quintessence de la consommation du mystère de Dieu, en une série d’affirmations, dont chacune devrait être analysée et méditée avec attention, car elles renferment une doctrine qui n’a malheureusement pas encore été prise en compte comme elle le mériterait par la théologie chrétienne.

– Tout d’abord – chose qui étonnera sans doute –, Irénée déclare, sans la moindre ambiguïté, que la première résurrection a lieu sur la terre et aux temps du Royaume :  :

Id., Ibid., V, 36, 3 (= Id., Ibid., p. 678) : " Ainsi donc, de façon précise, Jean a vu par avance "la première résurrection", qui est celle des justes, et l’héritage de la terre qui doit se réaliser dans le royaume. "

– Immédiatement après cette affirmation, Irénée croit nécessaire de l’étayer par deux passages néotestamentaires qui, du coup, s’éclairent d’une lumière nouvelle  :

Id., Ibid., V, 36, 3 (= Id., Ibid.) : " C’est exactement cela que le Seigneur a enseigné, lui aussi, quand il a promis de "boire le mélange nouveau" de la coupe avec ses disciples "dans le Royaume", et encore lorsqu’il a dit : "Des jours viennent où les morts qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’Homme, et ils ressusciteront, ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, et ceux qui auront fait le mal pour une résurrection de jugement". " 

– L’explication qu’il fournit ensuite semble avoir pour but d’aider ses lecteurs à parvenir à la compréhension de ces événements futurs, dont il est difficile de se représenter les modalités concrètes de réalisation  :

Id., Ibid., V, 36, 3 (= Id., Ibid.) : " Il dit par là que ceux qui auront fait le bien ressusciteront les premiers pour aller vers le repos, et qu’ensuite ressusciteront ceux qui doivent être jugés. "

On serait tenté d’y voir un écho d’un verset néotestamentaire d’interprétation disputée (Mt 24, 41 = Lc 17, 35) :

" Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme. Alors deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé ; deux femmes en train de moudre : l’une est prise, l’autre laissée. "

Auteur : Menahem MACINA

© EBIOR  Dernière mise à jour : lundi 23 décembre 2002

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