Le mot hébreu QOHELET désigne sans doute une fonction, celle de prédicateur ou de président qui parle dans l'assemblée d'où le nom grec d'"ecclesia" qui a donné "église" en français et la transposition habituelle d'ECCLESIASTE.
Tout comme le CANTIQUE DES CANTIQUES, ce livre est traditionnellement attribué au roi Salomon, à qui le texte fait allusion à plusieurs reprises (1,12 ; 1,16 ; 2,7-9). Le terme de "qohelet" pourrait également faire référence à deux épisodes de la vie du célèbre roi recevant à Gabaon la sagesse "au milieu d'un peuple nombreux" et bénissant l'assemblée lors de la dédicace du Temple (1R 8,2 et 14).
Le problème abordé est le même que dans JOB : désabusé, l'auteur constate l'échec de la recherche du bonheur dans la sagesse, dans les plaisirs ou dans les richesses. Toute joie terrestre n'est que vanité qui conduit à la mort.
Ses diverses réflexions s'articulent selon le schéma suivant :
Ch 1,3 -11 : prologue sur le retour cyclique des choses
Ch 1,12 - 2,26 : autocritique de Salomon qui constate l'inutilité des efforts de l'homme pour échapper à sa condition
Ch 3,1 - 6,12 : chaque réalité humaine comporte un aspect négatif
Ch 7,1 - 12,7 la vie est un don de Dieu qu'il faut assumer
Ch 12,8 - 12,13 : deux épilogues
Quelques thèmes reviennent régulièrement dans le livre :
les réflexions sur la routine monotone de la vie (1,1-11) ; la recherche de la satisfaction et du bonheur (1,12-18 et 2,1-11) ; l'étude des maux sociaux qui sont commis sans la foi (4,1-15) ; la conclusion des penseurs matérialistes : manger, boire et jouir de la vie (2,24-26 ; 5,18-20 ) ; la vanité d'une longue vie (6,3-12) ; l'incertitude de la vie avec ses injustices et la certitude du jugement divin (8,6-14) ; les conseils relatifs aux devoirs spirituels (5,1-7), aux devoirs civiques (8,1-5), à la générosité (11,1-6) et aux jeunes (11,9-10).
L'Écclésiaste multiplie ainsi les paradoxes et les oppositions sous forme de variation sur un thème, de contraste entre l'éphémère et l'éternité. Ses réflexions comparatives sous la forme "il y a un temps pour, et un temps pour " sont restées célèbres.
Esprit inquiet qui cherche à se consoler, ni pessimiste ni optimiste mais réaliste et lucide, l'Ecclésiaste, même s'il n'évoque ni l'Alliance ni la venue du Messie, reste un croyant qui partage la foi du peuple d'Israël : il faut craindre Dieu et s'en remettre à lui.
Des spécialistes ont constaté des rapprochements avec des œuvres égyptiennes (Dialogue du désespéré avec son âme, Chant du harpiste), babylonienne (épopée de Gilgamesh, Théodicée babylonienne) ou même grecques provenant des philosophies épicurienne, stoïcienne ou cynique. Mais il s'agit surtout de lieux communs à toutes ces cultures et les influences restent vagues. De même la datation souvent proposée du IIIesiècle avant Jésus-Christ, à cause de nombreux aramaïsmes, n'est pas assurée.
Notons simplement que l'Écclésiaste figure dans un fragment retrouvé à Qumrân, daté d'environ 150 avant Jésus-Christ et a été utilisé par le SIRACIDE (180 avant Jésus-Christ). C'est ainsi que Qo 1,7 est repris par Si 40,11 "tous les fleuves vont à la mer" ou que Qo 3,14 est repris par Si 18,5 "rien à retirer, rien à retrancher ".
Des controverses eurent lieu sur son inclusion dans le canon mais prévalut l'opinion favorable d'Hillel, dirigeant des pharisiens sous le roi Hérode.
Cette œuvre constitue l'un des cinq rouleaux (megillot) lus à la synagogue certains jours particuliers, dans ce cas durant le sabbat de Soukkot (ou fête des Tentes) célébrée pendant la semaine qui commence le 15 Tichri (septembre-octobre). Rappelons que le 1eTichri correspond au nouvel-an (Roch ha-chanah).
Retenons quelques formules bien frappées, devenues célèbres bien que leurs origines bibliques soient méconnues : "vanité des vanités, tout est vanité" (1,2) ; "tous les fleuves vont à la mer" (1,7) ; "il n'y a rien de nouveau sous le soleil" (1,9) ; "rien de meilleur pour l'homme que de manger et de boire" (2,24) ; "il y a un temps pour chaque chose" (3,1 et 3,17) ; "temps d'aimer et temps de haïr, temps de guerre et temps de paix " (3,8) ; "ce qui fut c'est le présent et ce qui sera a déjà été" (3,15) ; "(l'homme et la bête) les deux viennent de la poussière et les deux retournent à la poussière" (3,20) ; "mieux vaut être deux que seul " (4,9) ; " mieux vaut sagesse que force" (9,16) ;
Auteur : Fernand LEMOINE
Dernière mise à jour : 20 nov. 2005
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