Tradition ancienne sur Marc

Le témoignage de Pappias

Dans l’Explication des discours du Seigneur, Papias rapporte : " C'est bien ce que le presbytre avait coutume de dire. Marc, qui était l’interprète, (ermêneutês en grec) , de Pierre, écrivit avec exactitude, mais pourtant sans ordre, toutes les actions dont il se souvenait . Car il n’avait ni entendu, ni accompagné le Seigneur. Mais plus tard, comme j’ai dit , il accompagna Pierre qui donnait son enseignement selon les besoins, sans faire une synthèse des discours du Seigneur . Ainsi donc, Marc ne se trompait pas en écrivant ce dont il se souvenait. D’ailleurs il n’avait qu’un dessein : ne rien omettre de ce qu’il avait entendu, ne pas induire en erreur en ce qu’il rapportait. "

Distinguons les affirmations du presbytre ,sans doute limitées à la première phrase, du commentaire de Papias sur celles-ci :

Presbytre Papias
Marc était l'interprète de pierre Marc accompagna Pierre et mémorisa ce qu'il avait entendu.
Marc écrivait avec exactitude Marc était fidèle à l'enseignement de Pierre
Marc écrivait sans ordre Cela correspondait à l'enseignement de Pierre qui ne se souciait pas de synthèse.

Deux points restent controversés :

Saint Jérôme considère Marc comme une sorte de secrétaire transmettant l'évangile de Pierre. Des auteurs modernes, constatant que ce terme n'est pas utilisé pour caractériser Luc par rapport à Paul, pensent plutôt à une sorte de traducteur qui aurait rédigé l'évangile pour le compte de Pierre qui ne devait pas s'exprimer parfaitement en grec.

D'autres donnent un sens techniques aux termes employés. Marc transposerait littérairement , sans respecter l'ordre chronologique, de petits dialogues"s ou quelques paroles du Christ rassemblées.

Mais c'est sans doute chercher trop loin. L'évêque de Hiérapolis voulait plus vraisemblablement défendre Marc qui peut paraître moins structuré que les autres synoptiques. L'essentiel restait la fidélité à l'enseignement du Christ.

Les autres témoignages

Le témoignage de Papias attribuant la rédaction du second Evangile à Marc est confirmé 

Eusèbe de Césarée rapporte que Clément d’Alexandrie  qui a fréquenté la Didascalée, célèbre école catéchétique d’Alexandrie, fondée sans doute au 1er siècle, a laissé le témoignage suivant. Marc, après le martyre de Pierre, se réfugie à Alexandrie et y fonde une communauté chrétienne : " On dit que Marc fut le premier envoyé en Egypte, qu’il prêcha l’Evangile qu’il avait composé et qu’il établit des Eglises d’abord à Alexandrie même " (Histoire Ecclésiastique,2,16,1). Cette tradition de Clément à propos de Marc est précieuse puisqu’elle est rapportée à peine un siècle après l’événement: il affirme que Marc a écrit d’après Pierre et, notation personnelle, de son vivant (Eusèbe, Histoire ecclésiastique, 2, 15, 2 ;6, 14, 6). 

Celui (Evangile) selon Marc fut écrit dans les circonstances suivantes : Pierre ayant prêché da doctrine publiquement à Rome et ayant exposé l’Evangile par l’Esprit, ses auditeurs qui étaient nombreux, exhortent Marc, en tant qu’il l’avait accompagné depuis longtemps et qu’il se souvenait de ses paroles, à transcrire ce qu’il avait dit : il le fit et transcrit l’Evangile pour ceux qui le lui avaient demandé : ce que Pierre ayant appris, il ne fit rien par ses conseils, pour l’en empêcher ou pour l’y pousser " (Histoire Ecclésiastique, 6, 14, 6-7).

Qui est Marc ?

Le Nouveau Testament permet de préciser quel est ce " Marc mon fils ", dont parle 1 P 5, 13. Les Actes des Apôtres précisent qu’il s’agit de " Jean, surnommé Marc ", en relation avec Pierre (Ac 12, 12), qui est emmené par Barnabé et Paul de Jérusalem à Antioche (Ac 12, 25) puis lors du premier voyage missionaire de Paul à se séparer de Barnabé, si bien que Marc fut emmené par Barnabé à Chypre (15, 37-39). On ne voit pas pourquoi le personnage de Marc dont Paul parle dans ses lettres ne serait pas le même : il travaille avec lui pour le règne de Dieu et le console (Col 4, 10, ; Phm 24 ; 2 Tm 4, 11). Ainsi Marc aurait été en relation avec Pierre d’abord, puis avec Paul (de 44 à 49 et de 61 à 63 ?) et de nouveau avec Pierre (63-64).

Le nom Marc (grec Markos, latin Marcus) n’était pas rare (cf. Marc Antoine), ce qui complique les références du NT à un personage de ce nom. Les Actes nous informent de l’existence d’un homme, nommé par trois fois " Jean surnommé Marc ", mais une seule fois (15, 39) simplement " Marc ", et qui est associé à Pierre, Paul, et Barnabé. En Philémon 24, dans une lettre incontestablement authentique écrite entre 55 et 63, Paul mentionne un certain Marc comme coopérateur, présent avec lui à l’endroit d’où il écrit (peut-être Rome, mais plus probablement Ephèse, durant le " troisième voyage missionnaire ") . 

L'épître aux Colossiens 4, 10, qui suppose la même situation que Phm , élabore le portrait de ce Marc : il est le cousin de Barnabé . La première épitre de Pierre (1P, 5, 13), écrite de Rome identifie Marc comme le " fils " de Pierre qui est auprès de lui. 

En 2 Timothée 4, 11, alors que Paul semblait mourant en prison (à Rome ?), il demande que Marc lui soit envoyé, car " il lui est précieux ". 

Il est possible de combiner tous les éléments en une image composite d’un " Jean surnommé Marc " : il était connu de Pierre à Jérusalem ; il fut ensuite un compagnon de Paul, mais se querella avec lui dans la période 46-50 ; après quelques années ce Marc-là se réconcilia avec l’apôtre et redevint un compagnon, venant finalement à Rome dans les années 60, où il fut précieux à la fois pour Paul et Pierre avant leur martyre.

Auteur : Angela MASTROROCCO et Fernand LEMOINE

Date : 21/12/03

©  EBIOR, 200bible@ebior.org