Cinquième et dernier livre du Pentateuque, le DEUTERONOME dont le nom hébreu "Devarim" signifie parole provient d'un nom grec signifiant "seconde loi" car la plus grande partie du livre reprend les lois énoncées dans l'Exode, le Lévitique et les Nombres. Il se présente donc comme une copie ou mieux comme une nouvelle édition de la Loi sous forme d'une série de discours et de lois donnés par Moïse avant la traversée du Jourdain.
Le cycle annuel et actuel de la lecture de la Torah, d'origine babylonienne, le divise en onze sections (sedarot) alors que dans le cycle triennal palestinien de l'époque du Christ, il était divisé en 27 sections. C'est une sorte de testament spirituel pour rappeler l'expérience vécue de l'Exode, du Sinaï et de la conquête ainsi que la Loi donnée par Dieu.
Sa structure est particulièrement complexe :
Chapitres 1-4 comme introduction, un premier discours de Moïse, de style plus narratif avec un rappel des rapports passés de Dieu avec Israël
Chapitres 5-11 un second discours de Moïse, de style plus exhortatif avec une répétition du Décalogue ("Dix Commandements" en 5,6-18) et des références à l'élection d'Israël.
Cette double série de discours met bien en évidence le sens de la révélation : le Dieu unique est un père pour son peuple et la Loi est un don de son amour paternel pour conduire son enfant au bonheur.
Chapitres 12- 26,19 un code de lois appelé Code deutéronomique, devant être observé par le peuple pendant son séjour en Canaan, que l'on peut comparer avec le Code de l'Alliance dans l'EXODE (chapitres 20-23), y compris dans ses modifications et ses ajouts : par exemple, la centralisation du lieu de culte à Jérusalem (Dt 12,2-14) par opposition à la multiplicité des sanctuaires d'Exode 20,24 ou les prescriptions concernant la remise des dettes et le statut des esclaves : Dt 15,1-11 par rapport à Ex 23, 10-11 et Dt 15,12-18 par rapport à Ex 21,2-11. Il s'y ajoute également de nouvelles lois, inconnues du Code de l'Alliance et parfois fort anciennes.
Chapitres 27-28 suite du second discours avec les douze malédictions
Chapitres 29-30 un troisième discours de Moïse contenant des bénédictions découlant de l'obéissance à Dieu et des malédictions provenant de la désobéissance.
Chapitres 31-34 la conclusion du livre et de tout le Pentateuque : la mission de Josué, les dernières paroles de Moïse, son cantique (chapitre 32), sa bénédiction des tribus (chapitre 33), sa dernière vision et sa mort (chapitre 34).
Au lieu de transmettre directement la parole de Dieu à son peuple, Moïse tient le rôle d'un médiateur entre le Seigneur qui lui a révélé sa Loi et le peuple à qui il doit la transmettre. ( 5,5 ; 9,9 - 10,5). Remarquons que son enseignement s'adresse à tout Israël, au peuple entier sous une forme en "tu" et une autre en "vous". Mais il s'agit toujours d'une interpellation collective.
Dans ce livre, le thème du souvenir se dégage nettement : "rappelle-toi " le don de la Loi (4,9-10), l'Alliance (4,23), l'esclavage passé (5,15), la délivrance d'Égypte (7,18), la sollicitude de Dieu (8,2-6), les péchés du passé commis dans le désert (9,7), les jugements divins contre Miryam, la soeur de Moïse (24,9) et les premiers jours (32,7).
A travers ces événements se dégage le cœur de la foi juive, les deux premiers paragraphes du Chema ("Écoute") qui constituent la base fondamentale du judaïsme : "Écoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est le Seigneur unique (6,4)" et qui implique reconnaissance de la souveraineté de Dieu sur le peuple juif. Les autres dieux ne sont rien (4,28) ce qui conduit également à la notion de sanctuaire unique et à une conception unitaire de l'existence : un Dieu, une Loi, un peuple traité comme un fils à chaque génération.
L'obéissance à la Loi dans ses détails implique un profond engagement personnel ainsi que la solidarité avec les pauvres (14,28-29 ; 15,1-18 ; 23,25-26) et les étrangers. Le DEUTERONOME peut ainsi être mis en relation avec le livre de JEREMIE, dont l'esprit est fort proche.
D'autres thèmes sont développés dans ce livre : l'élection qui met en évidence l 'initiative première de Dieu et le fait que YHWH ait choisi Israël, non en raison de sa grandeur (7,7) ou de ses mérites et qualités (9,4-6) mais par amour (7,8). ; l'engagement exclusif du peuple juif à suivre ses commandements (4,5) ; la Torah, chemin de vie (30,15-20) et manifestation de l'amour de Dieu ; les promesses de rétribution et les menaces de punition (13,21).
La datation du Deutéronome est l'objet de controverses : à l'époque du roi Josias au VIIème siècle, provenant d'une source appelée D d'après la théorie dite documentaire ou à l'époque du roi Ezéchias (725 - 695) ou après l'exil ou bien à l'époque des Juges ou au début de la monarchie lorsqu'il existait une forte opposition aux cultes cananéens ou tout simplement à l'époque de Moïse car l'arrière-plan politique, religieux et législatif correspond à cette époque ?
Le livre de la Loi, oublié pendant la persécution du roi Manassé et redécouvert dans le Temple en 622 avant Jésus-Christ fut à la base de la réforme du roi Josias selon le livre des Rois (2R 22). Il a souvent été considéré comme étant le Deutéronome mais il ne s'agit que d'une hypothèse même si ce fait est souvent présenté comme une certitude. car il est difficile d'attribuer aux prêtres de Jérusalem la création, à cette époque, de lois imposant la centralisation du culte, lois qu'eux-mêmes n'ont pas acceptées (2R 23,9)
Tout comme le judaïsme postérieur, le christianisme empruntera au Deutéronome le premier commandement "aimer le Seigneur de tout son cœur, de tout son être, de toutes ses forces (6,5) " cité textuellement en Mt 22,37 et en Mc 12,29-30.
Auteur : Fernand LEMOINE
Dernière mise à jour : 03 sept. 2006
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