Le livre d'Ezechiel

Le prophète EZECHIEL dont le nom signifie "Dieu fortifie" a exercé son ministère parmi les déportés à Babylone sans doute entre 593, cinquième année du roi Joiakin (1,2) et 571 avant Jésus-Christ, sa vingt-septième année (29,17).

On a parfois l'impression qu'Ézéchiel est physiquement présent (11,3) à Jérusalem et s'adresse directement à ses habitants. Certains exégètes ont donc supposé que le prophète serait d'abord resté dans la ville jusqu'en 587 puis se serait rendu à Babylone par la suite. Mais cette double chronologie nécessite de nombreux remaniement de chapitre et le texte précise explicitement qu'Ézéchiel est emmené de et vers Jérusalem "en vision" (8,3 et 11,24).

Malgré de nombreux doublets (3,17-21 = 33,7-9 ; 18,25-39 = 33,17-20), le plan du livre, à la différence de celui de Jérémie, apparaît clairement :

De nombreuses ruptures de composition apparaissent également. La vision du char divin qui se déroule en 1,4 - 1,29 se prolonge par la vision du livre en 2,1 - 3,9 et reprend en 3,10-3,15 ; elle apparaît de nouveau en 10,1 - 10,22, laisse la place à une description des péchés en 11,1 - 21 et se termine en 11,22-24. Mais il serait exagéré de parler de faiblesse ou de maladresses commises par différents disciples qui combineraient leurs souvenirs à leur manière. Car la composition générale reste cohérente et la parole de YHWH ne suit pas la logique d'un théorème mathématique mais celle de l'entrelacement. D'ailleurs le style et la doctrine restent semblables dans tous ces chapitres.

ÉZÉCHIEL était un prêtre, fils de prêtre (1,3), préoccupé par le temple de son époque (chapitre 8), par les infidélités du peuple (chapitre 20), par les impuretés légales (chapitre 14), par la séparation entre le sacré et le profane (45,1-6), par les prescriptions rituelles (45,18 - 46,24) ainsi que par le Temple futur qu'il décrit avec précision (chapitre 40-42). Mais, comme JÉRÉMIE, il affirme que Dieu n'est pas lié au sanctuaire et annonce une alliance nouvelle au chapitre 36. Sa doctrine est intériorisée et spiritualisée, basée d'un côté sur l'horreur du péché (6,9 ; 16,22-52) et d'un autre sur " "le cœur nouveau", sur "l'esprit nouveau"(18,31 et 36,26).

Sa personnalité fort complexe que certains ont même qualifiée de maladive à cause de ses périodes de mutisme et de paralysie ne se laisse pas facilement cerner : il suffit de comparer le lyrisme et la violence des oracles contre les nations (chapitre 28-32) avec la description froide et minutieuse du Nouveau Temple vu en vision (chapitre 40-42).

Le premier, il énonce la thèse de la responsabilité individuelle (18,20-32) et non plus collective. Il décrit le Messie sous les traits du Bon Pasteur (chapitre 34 et 37) et subissant la ruine de son peuple (33,10), il annonce un Dieu de vie (33,11) " "qui ne veut pas la mort de l'impie", la réunification des deux royaumes juifs (37,15-28), la victoire finale sur les forces du Mal représentées par Gog, roi de Magog (chapitre 38-39) et la nouvelle Terre Sainte répartie entre les tribus d'Israël (47,21-48,35).

C'est aussi un prophète d'action qui multiplie les gestes symboliques : l'annonce du siège de Jérusalem avec une brique, une plaque de fer, des cordes et une barbe mal rasée (4,1 - 5,4), la fuite du roi Sédécias mimée avec des bagages (12,1-7), le roi de Babylone représenté au carrefour de deux chemins (21,24-27), la réunion d'Israël et de Juda inscrite sur un bâton (37,16-28).

Mais Ézéchiel est surtout un visionnaire au style très visuel, dont les longues visions grandioses sont restées célèbres : les quatre Animaux du char de Dieu (chapitre 1-3 et 8-11), la plaine des ossements desséchés qui s'animent (37,1-14), le Temple futur d'où jaillissent les eaux de vie (chapitre 40-48). Elles influenceront fortement celles de DANIEL et celles de saint JEAN dans l'Apocalypse.

A cause de son enseignement légal, rituel et théologique parfois en contradiction avec ceux de la Torah, les rabbins n'admirent le livre d'Ézéchiel dans le canon qu'avec de nombreuses réserves. Le traité Chabbat (13b) du Talmud contient d'ailleurs une discussion à ce sujet. Toutefois, à cause de la prophétie de la restauration future du Temple, ce livre est considéré par la tradition juive comme le plus saint des livres de la Bible après le Pentateuque.

L'iconographie chrétienne a souvent représenté le char divin (chapitre 1), Ézéchiel mangeant le livre de la Parole (chapitre 3), la gloire de Dieu quittant le Temple, les ossements desséchés qui reprennent vie (chapitre 37), la vision du Nouveau Temple (chapitre 40-42) et le fleuve qui en sort pour se jeter dans la mer Morte (chapitre 47).

Texte L.Segond (1910)

Auteur  :  Fernand LEMOINE  

Dernière mise à jour : 23 oct. 2005

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